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14 juillet 1953 : un massacre policier oublié

Entre 1935 et 1953, avec une interruption pendant la période vichyste, le 14 juillet fut aussi l’occasion d’un défilé syndical, associatif et politique.

Cette pratique débute le 14 juillet 1935 plus d’un an après les émeutes du 6 février 1934. Le matin, comme à l’habitude, les militaires marchent sur les Champs-Élysées. Mais l’après-midi, près d’un demi-million de personnes défilent dans les rues de Paris à l’appel de la gauche syndicale et politique afin notamment de faire barrage aux mouvements d’extrême droite et de porter de grandes réformes sociales.

Le rassemblement, réitéré en 1936, est cette fois festif et conquérant avec près d’un million de personnes entre Bastille et Nation.

Un défilé sanglant

Le 14 juillet 1953, alors que le cortège à dominante syndicale arrive place de la Nation, les nationalistes algériens du mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques, dont la plupart sont aussi membres de la CGT, qui ferment la marche en rangs serrés, lancent des slogans en faveur de l’indépendance de l’Algérie et brandissent le portrait de Messali Hadj.

Les policiers chargent, sortent leurs armes et tirent comme au ball-trap. On compte sept morts : six Algériens et un Français, une cinquantaine de blessés par balles, des dizaines de blessés par matraque. Dès le lendemain, les journaux de droite parlent
d’agression des Nord-Africains contre la police, d’émeute communiste. Seuls L’Humanité et Libération de l’époque disent la vérité sur ce massacre.

Cette affaire d’État donnera lieu à un jugement, mais le verdict prononcé sera un non-lieu et les sept morts mis au compte de la légitime défense des policiers. Ce massacre constituera un déclic pour nombre de militants nationalistes, les faisant passer à la
lutte armée.

Le gouvernement français interdira dès lors toute manifestation à Paris le 14 juillet et le 1er mai. Il faudra attendre 1968 pour que l’interdiction soit levée. Si, depuis, le 1er mai revendicatif se poursuit chaque année, en revanche, la page des défilés syndicaux, politiques et antifascistes du 14 juillet semble tournée. Sa réactivation serait sans doute nécessaire.

Une autre nécessité est la reconnaissance de ce massacre qui doit aujourd’hui être assumé comme un crime d’État à l’instar de ceux du 17 octobre 1961 (répression meurtrière par la police française d’une manifestation pacifique d’Algériens) et du 8 février 1962 (« Massacre de Charonne »).

Christian Joncret, membre du bureau de l’IHS.

DR – Mémoires d’Humanité / Archives départementales de la Seine-Saint-Denis, 83FI/759 47